Le 2 mai 1998 a eu lieu le 9ème anniversaire de l'ouverture
officielle du rideau de fer à la frontière austro-hongroise, l'annus
mirabilis de notre ère.
Le printemps de cette année annonçait l'effondrement des dictatures
communistes en Europe de l'Est. A l'automne le mur de Berlin était
démantelé et pour beaucoup d'observateurs cela signifiait la fin
de la révolution, voire la fin de l'histoire.
La perspective d'une réunification européenne était ouverte. De
nombreux responsables des démocraties occidentales s'interrogèrent
alors sur la manière de préserver ces changements historiques en
intégrant rapidement les nouvelles démocraties dans la communauté
européenne.
Les changements continuèrent et la perspective d'un retour en arrière
pour l'Union Soviétique disparut alors. L'urgence de l'élargissement
à l'Est s'effaça. Un travail de fond fut donc engagé et des accords
d'association furent signés par les pays candidats.
Le processus de démocratisation ne ne se déroula pas sans certains
revers. La tragédie des peuples slaves du sud constitue l'exemple
même d'une véritable catastrophe; l'humanité toute entière peut
en retirer des leçons salutaires. En ce qui nous concerne, la plus
importante est peut-être qu'il ne suffit plus d'isoler les conflits
en cette fin du second millénaire.
* * *
Ce tournant historique a correspondu pour la Hongrie à la possibilité
d'un retour au cœur de l'Europe. Notre pays a fait partie de l'Europe
pendant 1100 ans, non seulement du point de vue géographique, mais
également politique, économique, social et, de façon non moins importante,
culturel. Cependant, il y a bien eu des périodes où cette présence
était moins marquée. Les quatre décennies qui suivirent la deuxième
guerre mondiale appartinrent à ce type de période. Mais même à cette
époque, quelques portes demeurèrent ouvertes à des contacts internationaux.
Une coopération plus étroite avec le mouvement d'intégration européenne
figurait toujours sur l'agenda des réformateurs hongrois. L'établissement
de relations diplomatiques entre la Hongrie et les pays de la Communauté
Européenne en août 1988 révélèrent ces efforts. Un accord de coopération
commerciale et économique fut conclu par la suite au mois de septembre
de la même année; il servit de modèle pour des accords similaires
avec d'autres pays de l'Europe de l'Est.
Néanmoins, c'est bien le changement du système politique en 1989/90
et la transformation socio-économique consécutive, qui créèrent
les conditions politiques et économiques d'une coopération plus
étroite avec l'UE, avec une véritable perspective d'adhésion à l'UE.
Les gouvernements hongrois, qui se sont succédés au terme d'élections
libres, ont continuellement réaffirmé cet objectif qui bénéficie
du soutien parlementaire et d'un large consensus dans l'opinion
publique. L'accord entre la Hongrie et la CE fut signé en décembre
1991. Le 31 mars 1994, le gouvernement hongrois, avec l'agrément
unanime du parlement, a déposé une demande officielle d'adhésion
au conseil européen.
Au terme d'un processus de transformation économique et d'une activité
législative volontariste d'une décennie, notre pays a mis en place
les institutions garantes de la démocratie, de l'état de droit et
des droits de l'Homme et des minorités. La Hongrie est désormais
un pays doté d'une véritable économie de marché. Le niveau de son
commerce extérieur est élevé même au regard des standards européens.
Les deux-tiers de notre commerce extérieur est réalisé avec des
Etats-membres de l'UE; un léger excédent a pu être dégagé l'année
dernière. Après avoir accompli des efforts d'adaptation macro-économiques
majeurs, souvent accompagnés de contraintes sociales considérables,
les conditions nécessaires pour une croissance satisfaisante sont
désormais réunies en Hongrie.
* * *
Le début du cinquième processus d'élargissement de l'Union se fonde
sur une volonté politique solide. Il ne constitue pas seulement
l'accomplissement d'une obligation morale quelconque ou l'expression
d'une forme de remerciements envers les peuples de notre région
qui se sont durement battus et qui ont souffert pour la défense
des valeurs européennes. Comme nous le savons tous de tels facteurs
ne sont pas très pertinents dans les relations internationales.
En vérité, l'accession de ces pays répond à des intérêts politiques
et économiques évidents de part et d'autre.
L'élargissement correspond à l'extension de l'espace européen de
liberté, de sécurité et de justice à l'Est. D'une part, il ouvre
une perspective de stabilité et de bien être pour les pays de l'Est;
d'autre part, il apporte plus de sécurité à la partie Ouest du continent,
à un prix beaucoup plus bas que ne le serait la gestion d'une crise
ouverte. C'est la raison pour laquelle nous pensons que l'élargissement
doit être un processus continu comprenant tous les pays associés,
après qu'ils aient bien sûr rempli les critères d'adhésion. La Hongrie
est particulièrement attentive à la candidature de la Roumanie et
de ses autres voisins associés.
Par ailleurs, l'élargissement représente un investissement viable.
La création du plus grand marché mondiale donnera à l'Europe des
impulsions nécessaires et améliorera sa compétitivité sur le marché
international.
* * *
La Hongrie désire devenir membre d'une Union Européenne, qui fonctionne
bien; elle veut contribuer et non pas nuire à la réalisation de
ses desseins. Tout en partageant les préoccupations des citoyens
européens, nous souhaitons jouer un rôle actif dans le combat contre
le crime organisé et l'immigration clandestine. Au moment de notre
adhésion, nous sommes prêts à appliquer l'acquis Schengen sur les
parties de nos frontière qui deviendront la nouvelle limite de l'Union.
Nous sommes convaincus qu'un contrôle efficace de nos frontières
n'équivaudra pas à l'édification d'un nouveau rideau de fer, et
qu'il est possible de concilier la sécurité et un franchissement
souple des frontières par les citoyens et les biens. En effet, nous
avons l'intention de maintenir des relations continues avec les
minorités hongroises des pays voisins.
La Hongrie est prête à se conformer aux obligations et objectifs
découlant de la Politique Etrangère et de Sécurité Commune. Notre
politique étrangère est déjà conforme aux principes et objectifs
régissant cette dernière ainsi qu'à son application concrète; notre
participation régulière aux actions communes de l'UE a pu en attester.
Nous considérons la PESC comme un moyen de défendre nos propres
intérêts nationaux sur la base de valeurs partagées.
L'invitation à devenir membre de l'OTAN a correspondu à une reconnaissance
de la cohérence de la politique étrangère et de sécurité de la Hongrie.
Par ailleurs, le référendum, qui a révélé qu'une majorité écrasante
des Hongrois soutenait notre adhésion à l'OTAN, était la preuve
de notre détermination. Une fois l'adhésion à l'UE accomplie, la
Hongrie souhaite également devenir membre à part entière de l'Union
de l'Europe Occidentale.
L'intérêt national de la Hongrie et l'intérêt européen à voir s'étendre
la stabilité furent bien soutenus par les traités bilatéraux que
nous avons signés avec l'Ukraine, la Slovaquie et la Roumanie. Le
développement de nos relations avec la Roumanie permet, en particulier,
d'espérer un tournant historique possible vers une meilleure communication
réciproque, comparable aux relations franco-allemandes.
La position géographique de la Hongrie au milieu du bassin des Carpates
rend notre pays particulièrement à même de faire rayonner les effets
stabilisateurs de l'intégration dans cette partie du continent.
Nous avons sept voisins, ce qui sort de l'ordinaire pour un petit
pays comme le nôtre. Notre position géostratégique qui fut largement
désavantageuse pour nous dans le passé - la Hongrie fut souvent
un point de passage obligé des belligérants - peut désormais servir
à promouvoir la stabilité et le commerce.
* * *
L'élargissement et la sécurité sont deux objectifs intimement liés.
Nous avons la conviction que les intérêts nationaux de notre pays
coïncident pleinement dans ce domaine avec les intérêts des pays
membres de l'Union Européenne et des autres pays de la région. Pour
cette raison nous nous attachons à achever le plus rapidement possible
la mise en place des conditions nécessaires à l'adhésion et à une
l'intégration en souplesse, par des préparatifs efficaces et par
le bon usage de tous nos moyens et ressources. Nous sommes sûrs
de pouvoir compter sur le soutien et la coopération des Etats-membres
dans un proche avenir, c'est à dire, lorsque les négociations d'adhésion
prendront une forme concrète.
Traduction Forum
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