Les négociations sur l'adhésion à l'Union Européenne s'inscrivent
dans l'histoire moderne de mon pays comme un de ses moments cruciaux,
moment de consécration et d'ancrage formel de son appartenance historique
à la civilisation et à l'espace européens. Depuis toujours, l'Europe
a été, par bon nombre d'aspects un organisme politique singulièrement
multicolore, parfois discordant certes, mais unique. Combien de
fois les guerres avec leurs traité consécutifs, ces instruments
des puissants, ont-ils divisé et réunifié cette entité au cours
de l'histoire, lui imposant l'ordre dérivé du droit du plus puissant,
avant de déferler sur d'autres continents. L'interdépendance et
l'enchevêtrement de tout ce qui se passait en Europe ont permis
de cultiver progressivement, et souvent douloureusement, les valeurs
de cette civilisation européenne qui est la nôtre.
Aujourd'hui nous avons la chance de reconstruire l'Europe sur le
principe d'une coopération se fondant sur le partage de valeurs
communes, sur l'estime et le respect mutuels et sur un désir commun
de paix. Cette chance pourrait être qualifiée d'enjeu historique.
Je la considère comme le grand triomphe de cet " esprit européen
" qui a su tisser une riche trame d'ingénieux liens économiques,
commerciaux ou autres, à caractère plutôt technique. Grâce à la
cohésion de cette trame, le risque de conflits nouveaux est quasiment
nul. Dans le même temps, cela permet de perpétuer la souveraineté
des différentes nations et la diversité de leurs cultures tout en
leur permettant de poursuivre un développement libre et dynamique.
Néanmoins, cette œuvre de " l'esprit européen " ne saurait être
l'affaire des seuls hommes politiques ou fonctionnaires car, sans
la compréhension et le soutien de tous les citoyens, elle ne pourrait
jamais être menée à bien. Ainsi revient-il aux hommes politiques
de rechercher constamment les valeurs et idéaux communs, de les
présenter et de les rappeler aux citoyens, afin qu'ils ne se retrouvent
pas ensevelis sous la masse des discussions passionnées sur les
quotas, les normes et autres monnaies.
Qu'ils soient réels ou imaginaires, les murs et rideaux ayant artificiellement
divisé l'Europe ont tout naturellement à éclaté, et se sont s'effondrés.
La démocratisation des pays d'Europe centrale et orientale a constitué
pour l'Union Européenne un défi qui est en train d'aboutir au prochain
élargissement. C'est un processus d'importance vitale pour les deux
parties, mais il faudra toutefois veiller à ce que les candidats,
plus ou moins chanceux, n'y voient pas de compétition, de courses
ou de protection. Force est de rechercher les mécanismes optimaux
pour que toutes les parties prenantes continuent à communiquer entre
elles dans un esprit de coopération approfondie, qu'elles cultivent
les valeurs communes et que tous aient la certitude de ne pas être
oubliés même s'ils n'arrivent pas parmi les premiers.
Mon pays se trouve au point d'intersection d'intérêts politiques.
Les terres tchèques ont souvent connu l'affrontement de diverses
influences géopolitiques. Ceci nous confère une certaine expérience
mais aussi une responsabilité. L'intégration dans des structures
européennes constitue pour nous une chance sans précédent de bien
enraciner la démocratie tout en contribuant à l'œuvre commune de
" l'esprit européen ". Il est vrai que mon pays est en train de
vivre une période difficile qui attestera, pour nous tous, du fonctionnement
notre système démocratique ; je suis toutefois certain que la société
tchèque sortira de cette épreuve plus expérimentée et mieux préparée.
En conclusion, je tiens à réaffirmer que la construction européenne
est pour nous une priorité à laquelle il n'y a pas d'alternative
valable. Ainsi, sommes-nous prêts à faire tout pour honorer nos
engagements.
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