Nous avons besoin en Europe de plus de discussions sur notre avenir.
C'est pourquoi j'ai expliqué ces dernières semaines les positions
britanniques sur l'Europe et posé quelques questions importantes
sur l'avenir à long terme de l'Europe.
. Dans les deux prochaines années, des décisions lourdes de conséquences
seront prises sur l'élargissement à l'Est, sur les modifications
institutionnelles ultérieures et sur l'Union Monétaire. Ces décisions
vont tous nous concerner et imprégner fondamentalement la forme
de l'Europe pour les deux prochaines décennies. C'est pourquoi nous
devons absolument prendre les bonnes décisions. Et le débat à ce
sujet doit impérativement être mené de manière ouverte et honnête.
Le fait que la Grande-Bretagne pose plus de questions sur l'intégration
que la plupart de ses partenaires conduit à ce que l'on nous caricature
souvent comme des anti-Européens qui stoppent l'intégration voulue
par le reste de l'Union Européenne. Ceci est doublement faux. La
Grande-Bretagne n'est pas anti-européenne. Nous avons une image
positive de l'avenir de l'Europe. Mais en Grande-Bretagne, les citoyens
se demandent jusqu'où le processus d'intégration va les mener et
peinent à croire que la revendication d'une intégration toujours
plus poussée soit réellement généralisée dans l'Union Européenne,
y compris en Allemagne.
Les fondements de la légitimité démocratique.
La Grande-Bretagne considère l'Etat-nation comme le lien démocratique
essentiel entre le peuple et ses représentants. Les institutions
nationales constituent le fondement de la légitimité démocratique.
Les citoyens de l'Europe ne sont peut-être pas toujours satisfaits
des actions de leurs gouvernements et parlements nationaux. Mais
ce sont néanmoins des institutions qui se sont développées au cours
de plusieurs siècles - particulièrement en Grande-Bretagne - et
qui appartiennent aujourd'hui à la structure nationale. Ainsi, l'acceptation
officielle des institutions de l'Union Européenne, comme par exemple
le Parlement Européen ne fut pas, dès l'origine, aussi forte; cela
tient en partie au fait que, à notre avis, elles n'exercent pas
toujours leurs compétences de manière responsable. Un élargissement
des compétences de ces institutions n'apporterait aucun avantage
patent, mais ferait courir des risques sérieux. L'intégration ne
peut que limiter encore davantage la souveraineté des Etats-nations.
Les décisions des parlements nationaux peuvent être annulées par
un seul vote alors qu'une seule nation ne peut annuler les décisions
prises par l'Union.
La plupart du temps, la Grande-Bretagne est présentée comme négative
ou rétrograde, simplement parce que nous n'acceptons pas que l'intégration
soit irréversible et qu'elle doive s'étendre à toujours plus d'activités
de l'Union Européenne. Cela ne signifie pas que nous ne voulons
pas de progrès en Europe. Nous acceptons la nécessité de l'intégration
- décisions à la majorité et compétences supranationales - là où
elle est nécessaire. L'intégration devrait ,par exemple, s'intéresser
au fonctionnement juste et effectif du Marché Intérieur. Nous sommes
de fervents défenseurs de la Politique Etrangère et de Sécurité
Commune et nous voulons la rendre plus efficace. Nous voulons une
meilleure collaboration au sein de l'Union Européenne pour la Justice
et les Affaires Intérieures. Sur tous ces sujets , nous avons les
mêmes buts que nos partenaires européens, y compris l'Allemagne.
Nous avons seulement des conceptions différentes sur les moyens
à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs.
Pour que la coopération européenne devienne vraiment efficace, il
faut que la forme de cette collaboration soit appropriée à chaque
matière. L'intégration supranationale - le transfert de compétences
des Etats-nations vers les institutions centrales - n'est pas la
seule voie possible. Il en existe une autre, qui a également été
utilisée : l'intergouvernementalisme. Dans le traité de Maastricht,
il a été sérieusement étudié dans quels domaines l'intégration était
nécessaire et ceux dans lesquels les Etats membres pouvaient le
mieux faire progresser leurs intérêts communs sur la base d'un accord
en commun. Au premier domaine appartiennent les aspects de politique
commerciale et économique et avant tout le Marché Intérieur. Le
second concerne la Politique Etrangère et de Sécurité Commune ainsi
que la Justice et les Affaires Intérieures.
L'équilibre trouvé à Maastricht a fait ses preuves, d'après la conception
britannique. Nous ne voyons pas l'utilité de le modifier.A la Conférence
Intergouvernementale, certains de nos partenaires proposent que
la collaboration dans la PESC soit remplacée par l'intégration.
Je crains que l'on ne court un risque sérieux si l'on perturbe de
cette manière l'équilibre de l'Union Européenne.
L'Union Européenne n'est respectée dans le monde que lorsqu'elle
parle d'une seule voix, visible pour tous. La politique de l'UE
est efficace quand ceux qu'elle doit influencer- les parties en
ex-Yougoslavie ou au Proche-Orient- peuvent voir que le point de
vue de l'UE est soutenu par tous les Etats membres, d'une seule
voix. Elle ne serait pas efficace si un avis de l'UE n'était qu'un
compromis qui n'aurait pas été accepté par quelques Etats membres,
peut-être les plus importants comme l'Allemagne. L'influence sur
la PESC serait alors fortement négative. Au sein de l'UE, les décisions
à la majorité donneraient lieu perpétuellement à des querelles.
Les Etats-nations perdraient le droit d'empêcher des décisions s'ils
les tenaient pour mauvaises ou mettraient en péril leurs intérêts
nationaux. La même chose vaut pour la Justice et les Affaires Intérieures
; les domaines afférents - criminalité, migrations illégales, trafic
de drogue et terrorisme - sont des aspects épineux des Affaires
Intérieures qui touchent à la relation entre le citoyen et l'Etat.
L'introduction des décisions à la majorité transformerait tout cela
fondamentalement ces questions. Que diraient les Allemands si les
problèmes d'immigration incombaient à Bruxelles?
Une des grandes forces de l'Union Européenne est sa multiplicité.
Evidemment, l'unité est en cause dans de nombreux domaines - le
marché intérieur doit garantir les mêmes chances pour tous. Mais
en ce qui concerne la PESC et la JAI, l'UE est la plus forte lorsqu'elle
agit d'après le principe du consensus. Le fait de parler d'une seule
voix ne peut être imposé. Il doit résulter du consensus trouvé.
De ce point de vue, et contrairement à ce qui est généralement admis,
l'élargissement de l'UE aux nouvelles démocraties de l'Europe Centrale
et Orientale constitue un défi particulier. Certains prétendent
qu'une Union avec plus de vingt membres devrait voter plus souvent
à la majorité. J'ai une opinion totalement différente. Une Europe
plus grande, avec une multiplicité toujours plus variée de membres,
pour laquelle la Grande-Bretagne milite, ne progressera que dans
un accord total. Permettre que des Etats mécontents, mis en minorité
par de plus grands Etats ou même des coalitions de plus petits Etats,
puissent se liguer contre la majorité, n'est pas le moyen par lequel
on peut répandre l'harmonie sur notre continent.
Un principe, qui n'a toujours pas été clairement définit, est inscrit
aujourd'hui à l'ordre de la CIG : rendre l'Union plus flexible.
Cela pourrait aider à résoudre les difficultés causées par l'élargissement
aussi longtemps que les décisions des Etats membres sur les questions
sensibles seront prises par consensus et non imposées par une majorité
à une minorité.
Collaboration flexible seulement avec l'accord de tous les membres.
Des groupes d'Etats au sein de l'UE doivent être en mesure,
là où ils ont des intérêts communs, de travailler ensemble de façon
plus étroite. Mais seulement de manière à ce que les intérêts de
tous les Etats membres soient protégés. Une collaboration flexible
de quelques Etats ne peut être réussie qu'avec l'accord de tous
les Etats. Sans cette garantie de sécurité, nous courons le risque
qu'une petite majorité d'Etats prenne des décisions au détriment
des Etats restants.
La vision britannique de l'Europe n'est ni rétrograde, ni négative.
Nous aimerions construire un partenariat des Nations, tel qu'il
est conçu dans le traité de Rome et a été encore développé dans
le traité de Maastricht. En centralisant toujours plus fortement
les compétences au détriment des Etats-nations, on remettrait en
question l'UE. Cela constituerait plus un danger pour l'UE qu'un
renforcement. Ce n'est que si l'Europe utilise le soutien des citoyens,
la légitimité démocratique et la multiplicité des nations qu'elle
pourra connaître toujours plus de succès, comme y aspire la Grande-Bretagne.
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