L'Europe se trouve aujourd'hui dans une phase décisive de sa construction,
une phase qui marquera de son empreinte la face et le rôle de notre
continent dans le monde pour une partie du prochain millénaire.
A mes yeux, il n'y a pas d'autre solution possible si nous voulons
assumer nos responsabilités que celle d'un rapprochent de plus en
plus étroit des peuples en Europe. C'est notamment grâce au processus
de la construction européenne que nous avons connu jusqu'à aujourd'hui,
dans notre partie de l'Europe, la plus longue période de paix de
l'histoire contemporaine. En effet, l'intégration européenne constitue
un refus irrévocable de la politique hégémonique pratiquée dans
le passé par les Etats-nations. Personne ne l'a exprimé avec autant
de clarté et de conviction que François Mitterrand qui déclarait
le 17 janvier 1995 devant le Parlement européen à Strasbourg que
"le nationalisme, c'est la guerre". La poursuite systématique de
l'intégration européenne est et reste la meilleure assurance contre
la misère de la guerre, cette expérience si douloureuse à laquelle
l'Europe a déjà été confrontée à deux reprises pendant la première
moitié de notre siècle et tout récemment dans l'ex-Yougoslavie.
Nous envisageons notre avenir au sein d'une Union européenne basée
sur des principes démocratiques, capable d'agir et proche du citoyen.
Notre objectif ne réside nullement dans une Communauté européenne
centralisée, axée sur Bruxelles, capitale omnipotente. A l'avenir,
l'Europe doit rester marquée au sceau de sa diversité culturelle,
de ses particularismes régionaux et de ses traditions variées. C'est
cette diversité qui fait précisément la richesse de l'Europe et
qu'il s'agit de préserver. Il faut construire l'Europe de demain
en appliquant le principe de l'unité dans la diversités.
Pour cela, le principe de subsidiarité qui a été largement concrétisé
dans le Traité d'Amsterdam joue un rôle de pilier: seules doivent
être réglées au niveau européen les questions qui ne peuvent être
tranchées de manière satisfaisante au niveau local, régional ou
national et qu'il serait plus facile de régler au niveau européen.
Les Etats et l'Union européenne continueront donc de remplir des
tâches différentes et en partie complémentaires.
Le Traité d'Amsterdam signifie le parachèvement d'une étape importante
sur la voie d'une Union européenne approfondie et dotée d'une plus
grande capacité d'action. A Amsterdam, le Conseil européen a également
ouvert la voie pour la mise en oeuvre du concept global d'élargissement
de l'Union tel qu'il a été adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement
des Etats membres à Luxembourg en décembre 1997. Le 31 mars dernier,
l'Union européenne a engagé officiellement les négociations d'adhésion
avec la Pologne, la République tchèque, la Hongrie, la Slovénie,
l'Estonie et Chypre.
L'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale
est un processus qui revêt une dimension historique. Il montre clairement
que la division de l'Europe a été définitivement surmontée et que
notre continent a désormais entamé un processus d'unification par-delà
les fossés creusés par la guerre froide. Une Union européenne sans
la Pologne ou la Hongrie, sans Prague ou Cracovie ne serait qu'un
tronc dépourvu de membres. L'Union européenne apportera un soutien
durable aux candidats sur la voie de leur adhésion. Néanmoins, il
est une tâche difficile dont nous ne pouvons décharger les candidats
à l'adhésion: ce sont eux qui doivent engager une politique de réformes
à la fois rapide et volontariste, pour créer les conditions politiques
et économiques de leur adhésion à l'Union européenne. L'aide accordée
de l'extérieur ne peut être pour ces pays qu'une aide à s'aider
eux-mêmes. Une adhésion qui serait au-dessus des forces des différents
pays concernés ou de l'Union européenne dans son ensemble ne profiterait
à personne. L'Union européenne entend toutefois appuyer de manière
soutenue les candidats à l'adhésion en appliquant la stratégie de
préadhésion et de rapprochement convenue lors du Sommet européen
de Luxembourg.
Le parachèvement de l'Union économique et monétaire avec l'introduction
de l'euro en tant que monnaie commune constitue une autre pierre
angulaire de la construction de l'Europe de demain. La monnaie unique
resserrera davantage encore les liens en Europe, ordre de paix et
de liberté pour le XXIème siècle. Sur le plan économique également,
l'Union européenne économique et monétaire est indispensable. Elle
signifie le parachèvement du grand marché européen sans frontières
pour les personnes, les marchandises, les services et les capitaux.
La zone euro représentera un marché homogène regroupant presque
300 millions de personnes et participant à concurrence d'environ
20 pour cent au revenu mondial, chiffre comparable à celui des Etats-Unis.
L'euro fera faire des économies aux entreprises, éliminera les risques
de change, facilitera le commerce au sein de l'Union européenne.
Il créera ainsi un climat favorable aux investissements et dégagera
un élan de croissance supplémentaire pour l'économie. Il n'y a pas
que nos économies, si tributaires des exportations, qui profiteront
largement de la mise en place de l'euro, les citoyens en ressentiront
aussi directement les effets positifs car il sera plus facile et
moins onéreux pour eux de voyager et de faire leurs achats en Europe.
La création de la Banque centrale européenne indépendante et le
Pacte de stabilité et de croissance sont des conditions essentielles
garantissant que I'euro sera une monnaie stable à long terme. N'y
participeront que les pays qui, en respectant les critères de stabilité,
ont prouvé qu'ils ont la ferme intention de pratiquer une politique
budgétaire et financière solide. Le Pacte de stabilité garantit
que les Etats qui seront membres de l'union économique et monétaire
continueront à respecter les sévères critères de stabilité établis
à l'avenir.
C'est pourquoi il ne fait aucun doute pour moi que l'euro sera mis
en place, conformément au calendrier du Traité de Maastricht et
dans le strict respect des critères de stabilité tels qu'ils ont
été adoptés. Les rapports de convergence de la Commission européenne
et de l'Institut monétaire européen ainsi que l'avis émis par la
Banque fédérale allemande l'ont confirmé. L'euro constituera donc
la base d'un avenir économique prospère pour l'Europe.
Au cours des mois à venir, nous analyserons en détail, dans le cadre
de 1'"Agenda 2000", le développement des politiques intérieures
de l'Union. Les propositions concernant la politique structurelle
et la Politique agricole commune que la Commission européenne a
présentées en mars dernier et celles qu'elle soumettra dans la courant
de l'automne concernant les futures ressources financières de l'Union
européenne feront l'objet de consultations approfondies. Dans ce
contexte, il s'agira par exemple d'affecter à l'avenir les fonds
de la politique structurelle d'une manière encore plus ciblée et
de les concentrer sur les régions qui en ont réellement besoin.
Pour ce qui est du développement de la Politique agricole commune,
nous devrons également nous laisser guider par les impératifs d'austérité
et de solidarité en nous basant sur les principes judicieux de la
réforme de 1992. Il ne fait aucun doute pour moi qu'à l'avenir,
les agriculteurs devront également bénéficier de notre solidarité.
Enfin, nous devrons achever en temps utile, avant la fin de 1999,
les négociations relatives à la nouvelle dotation financière de
l'Union européenne. Dans ce domaine, nous attendons de nos partenaires
qu'ils se montrent prêts à soutenir un système équitable pour tous
les pays, assurant une répartition des charges à la fois raisonnable
et juste.
Les résultats déjà atteints et le vaste programme de travail établi
pour les années à venir sont éloquents et montrent à quel point
l'Europe, aujourd'hui déjà, est devenue une communauté de destin.
Dans l'Europe unie, le partenariat franco-allemand aura un rôle
clé à jouer à l'avenir. Le Traité de l'Elysée signé il y a 35 ans
par Konrad Adenauer et Charles de Gaulle, a jeté les bases de la
coopération particulièrement confiante et amicale qui existe entre
nos deux pays. Les innombrables rencontres privées qui ont eu lieu
au cours de ces dernières décennies entre Français et Allemands,
notamment parmi les jeunes générations, constituent pour aujourd'hui
et pour demain la le patrimoine le plus précieux que nous possédions
en commun.
Entre-temps, la partenariat franco-allemand est devenu à la fois
le moteur et le garant du processus de l'intégration européenne.
Les progrès essentiels réalisés sur le plan de la construction européenne
sont le fruit d'initiatives et d'impulsions communes déployées par
la France et par l'Allemagne grâce à une concertation et à une consultation
étroites. Cela n'exclut pas que nous puissions avoir des avis divergents
sur l'une ou l'autre des questions de la politique européenne. Néanmoins,
la France et l'Allemagne garderont toujours en commun la conviction
profonde que seule la poursuite systématique du processus de l'unification
européenne garantit à long terme la liberté, la paix et la prospérité
pour tous les peuples de notre continent.
Traduction Forum
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