L'introduction de la monnaie unique ainsi que l'élargissement de
l'Union Européenne à l'Europe de l'Est est un point culminant dans
la construction européenne depuis quarante ans. Grâce à sa force
unissante, l'union monétaire européenne contribue à l'accélération
du progrès de l'Europe non seulement dans le domaine économique
mais également politique. La monnaie et la politique monétaire sont
d'une importance capitale pour l'avenir de l'Europe. C'est essentiellement
en Allemagne que les réformes monétaires consécutives à la Première
et Deuxième Guerres Mondiales ont été douloureuses. Au terme de
la Première Guerre Mondiale, la réforme avait provoqué une radicalisation
politique dans la République de Weimar. Des angoisses et des craintes
générées par l'introduction de l'Euro sont donc compréhensibles
au regard des expériences historiques.
Ce danger n'existe pas avec l'Euro. Les citoyens européens vont
recevoir la contrepartie exacte en Euro de ce qu'ils détiennent
dans leur monnaie nationale, sans qu'ils aient à subir de pertes.
Certaines personnes émettent encore des doutes quant à la stabilité
de l'Euro car certains Etats-membres n'auraient pas encore réformé
totalement leur économie et leurs systèmes financiers pour être
à même d'entrer dans le système Euro. Ils attirent également l'attention
sur les taux de chômage existant au sein de l'Union européenne.
Entre-temps, des rapports de la Commission et de l'Institut Monétaire
Européen sur la convergence sont parus. Le Conseil central de la
Bundesbank a également exprimé son avis. D'après ces rapports, on
peut être sûr que les onze Etats participants vont adhérer à l'Union
Economique et Monétaire à la date prévue du 1.1.1999 car ils remplissent
les exigences du Traité de l'UE. La Cour Constitutionnelle allemande
a, pour sa part, rejeté une demande contre l'introduction de l'Euro
pour défaut de base légale. Seule la Grèce ne correspond pas encore
aux exigences requises, mais ses rapides progrès lui permettront
bientôt d'adhérer à l'UEM. Le Danemark et la Grande Bretagne ont
laissé ouverte la question de leur participation. La Suède a également
adopté cette position.
S'agit-il d'un feu vert pour l'Union Economique et Monétaire. Le
chemin sera-t-il facile? D'un côté, les rapports actuels révèlent
d'importants progrès par rapports aux critères de convergence, de
l'autre, on remarque nettement la difficulté d'endiguer le chômage.
Il ne faut pas oublier que les Etats-membres ont évidemment changé
leurs approches de l'économie politique et adopté un comportement
plus stable. Ce fait est d'autant plus important que l'UE ne possède
pas encore une instance en mesure d'assurer des politiques budgétaire,
salariale, sociale et financière efficaces et homogènes.Au sein
de l'UE, l'union monétaire sera le résultat de la somme des comportements
des Etats participants. Les difficultés qui se présentent dans certains
d'entre eux doivent être résolues collectivement. A cet égard, les
progrès réalisés par rapport aux critères de convergence sont particulièrement
motivants. Les taux moyens de l'inflation sont inférieurs à 2 %.
Il y a quatre ans ce chiffre était multiplié par deux. Nous connaissons
les conséquences néfastes d'une inflation importante. Par exemple,
si on considère l'épargne, l'inflation la consomme comme une taxe
spéciale ! Les taux d'intérêts à long terme ont également baissés.
Actuellement, ils ne dépassent pas une moyenne de 5,5%. Il est évident
que le niveau des taux d'intérêts influence les niveaux de l'investissement
et de l'emploi. Le traitement des déficits budgétaires par les Etats
participants révèle les efforts accomplis pour mettre en œuvre une
union économique et monétaire stable. L'idée qu'un nombre si important
de pays puisse respecter ces critères de convergence paraissait
encore impossible il y a deux ans. Les déficits budgétaires moyens
dans l'UE composaient 2,4% du PIB en 1997. On projette d'arriver
à 1,6% en 1999. En 1993 le déficit budgétaire composait en moyenne
plus de 6% du PIB.
Par ailleurs, l'endettement de l'Etat a baissé par rapport aux précédentes
années. Mais il demeure quand même trop élevé. Dans trois Etats
participants, l'endettement d'Etat est plus élevé que le résultat
annuel de l'économie. Il faut trouver un remède à cette situation.
Un abaissement plus important du déficit budgétaire et des taux
d'intérêts devrait pouvoir constituer une solution. On doit souligner
que les actions ponctuelles en matière de réduction de l'endettement
ne contribuent pas à la stabilité à long terme. Cela nécessite une
surveillance rigoureuse des critères de la convergence. Cela relève,
à mon avis, de la compétence de la Cour des Comptes. L'Institut
monétaire européen a précisé que l'effet des actions ponctuelles
composait de 0,1 à 1% du PIB dans les Etats concernés en 1997 avec
des niveaux différents selon les pays.
L'union monétaire va compléter le marché intérieur. Une harmonisation
des impôts indirects manque encore. Je ne veux pas m'attarder aux
seuls avantages qu'apportera l'union monétaire au marché intérieur.
Il me semble toutefois utile de signaler que la disparition des
coûts liés au change pour les entreprises est évaluée à vingt milliards
d'ECU par an. Il est indéniable que le passage au nouveau système
aura un coût. Mais ce dernier n'interviendra qu'une seule fois.
Les échanges transfrontaliers à l'intérieur de l'UE n'entraîneront
plus aucun risque lié au change ni aucune surprime. Cette situation
sera favorable pour le niveau des taux d'intérêts et les investissements.
Je suis persuadé que l'Euro constituera un concurrent sérieux pour
le Dollar et pour le Yen. Le poids économique et commercial de la
zone Euro va correspondre à celui des U.S.A. et dépassera celui
du Japon. Le marché financier européen deviendra l'un des plus importants
du monde. L'Euro constituera, au moins à moyen terme, une alternative
attractive face au Dollar dans le commerce avec les pays voisins.
Cela concerne essentiellement les pays d'Europe de l'Est ainsi que
les pays du pourtour méditerranéen.
On ne doit pas chercher les causes du chômage dans la création de
l'Euro. Il est nécessaire de se souvenir que le chômage commence
à l'époque où le niveau de l'inflation et les taux d'intérêt étaient
encore plus élevés qu'aujourd'hui et où les pays géraient leur dette
de manière beaucoup plus insouciante. Depuis, les Etats participants
sont d'avis que la relance financée par le crédit n'était bien souvent
qu'un " feu de paille " qui n'a pas apporté de solution définitive.
La perspective de résoudre les problèmes économiques par la variation
des taux de change au sein l'union monétaire, c'est à dire par la
dévaluation, ne sera plus possible. La stabilité des politiques
relatives aux salaires et à l'emploi devient encore plus nécessaire;
ainsi, tous les partenaires sociaux en sont responsables. Il est
alors possible de créer de nouveaux emplois grâce à la flexibilité
des salaires, de l'emploi et du temps de travail. Ces mesures seront
plus bénéfiques que de nouvelles dépenses. A l'échelle européenne,
il s'agira de saisir toutes les opportunités imaginables afin d'endiguer
le chômage. En ce qui concerne l'attribution des fonds structurels,
il faut davantage prendre en compte la politique de l'emploi. Cela
concerne également le secteur agricole, notamment en raison de l'élargissement
de l'UE à l'Europe de l'Est. Les subventions agricoles de l'UE doivent
permettre de créer ou au moins de maintenir des emplois.
Je ne pense pas que les Etats participants abandonneront leur contrôle
de la stabilité lors de leur adhésion à l'union monétaire. Il faut
se souvenir que la Banque Centrale Européenne sera complètement
indépendante et constituera le garant de la stabilité monétaire.
Les mécanismes conventionnels de stabilisation de l'UE, y compris
le pacte de stabilité et de croissance, vont maintenir une pression
bénéfique. La Banque Centrale Européenne n'a pas le droit d'octroyer
des crédits aux organismes territoriaux ou aux institutions officielles.
La Banque Européenne d'Investissement vérifiera la politique de
prêt aux pays participants qui ne respectent pas les règles de la
stabilité.
Bilan: selon ma conviction, l'Euro va constituer un facteur d'unité
au cœur de l'Union Européenne. Sa mise en œuvre ne se déroulera
pas sans certaines difficultés. La monnaie unique est pourtant nécessaire.
Elle apportera plus d'unité, de sécurité et, plus tard, plus de
prospérité en Europe.
Traduction Forum
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