Dès son arrivée au pouvoir, le 1er mai 1997,
le gouvernement britannique a affiché sa volonté de jouer pleinement
le jeu en Europe. Il s'est empressé de signer le chapitre social,
et c'est en partenaire constructif qu'il a pris part à la phase
finale des négociations du traité d'Amsterdam. D'accord avec la
France pour placer l'emploi au cœur du projet européen, il a appuyé
la tenue du Sommet sur l'emploi organisé à Luxembourg au mois de
novembre. L'opinion publique britannique, sensible à cette attitude
positive à l'égard de l'Europe et forte de la confiance retrouvée
dans une économie redynamisée, commence, elle aussi, à bouger. Le
débat sur l'Europe ne donne plus lieu aux mêmes éclats. Il a perdu
de sa charge politique et gagné en ouverture d'esprit.
C'est une Union européenne en pleine période de transition que nous
présidons aujourd'hui. Le traité d'Amsterdam attend encore d'être
ratifié et d'entrer en vigueur. La phase finale de l'Union économique
et monétaire s'ouvrira le 1er janvier 1999. D'importantes négociations
sur l'élargissement et les réformes internes de l'Union sont engagées.
L'Union de demain sera très différente de celle d'aujourd'hui, et
sur la forme et sur le fond. La présidence britannique s'emploie
actuellement à la faire entrer dans l'ère de l'Union économique
et monétaire. Elle s'est attachée à lancer le processus d'élargissement
et à rendre la politique étrangère et de sécurité commune plus opérante.
Autant de tournants qui seront décisifs pour l'avenir.
De tels bouleversements ne vont pas sans incertitudes ni points
d'interrogation. Ils accentuent le risque de coupure entre l'institution
européenne et les citoyens, qui voient l'Union tout occupée d'elle-même,
au lieu de s'atteler à ce qui les touche au quotidien. D'où la volonté
de la présidence britannique de recentrer son action sur leurs vraies
préoccupations - l'emploi, la lutte contre le crime, l'environnement.
L'Union économique et monétaire
Peut-être la date la plus marquante de notre présidence restera-t-elle
ce week-end de début mai qui a vu les chefs d'Etat et de gouvernement,
réunis à Bruxelles, entériner la liste des pays admis à franchir
la troisième étape de l'Union économique et monétaire. Ce fut un
moment décisif pour l'avenir de l'Europe. A compter du premier jour
ouvrable de 1999, les membres de la zone euro auront un seul et
même taux d'intérêt, une seule et même politique monétaire. Ils
bénéficieront du net surcroît de transparence et de simplicité qu'en
retirera le marché unique, et pourront mobiliser les financements
d'un marché des capitaux démultiplié.
La situation économique de la Grande-Bretagne est aujourd'hui en
trop grand décalage par rapport à celle de nos partenaires pour
que nous puissions réaliser notre intégration dès 1999. Le délai
est trop court pour permettre aux cycles économiques de se remettre
en phase sans trop d'à-coups. Le pays ne fera donc pas partie de
la première vague. Mais le gouvernement ne doute pas que notre participation
à une monnaie unique réussie devrait être une bonne chose, et pour
la Grande-Bretagne et pour ses partenaires, à supposer que les conditions
économiques soient réunies. D'ailleurs, nous nous y préparons. Comme
l'a rappelé le Premier ministre à l'Assemblée nationale le 24 mars,
"nous avons dit qu'une monnaie unique, dans un marché unique, avait
sa raison d'être et déjà les entreprises de la City de Londres sont
opérationnelles. Nous serons prêts, n'en doutez pas".
Que nous ne franchissions pas le pas avec vous en 1999 ne signifie
pas que nous regardons les choses en spectateurs distraits ! La
Grande-Bretagne réalise plus de 50% de ses échanges avec le reste
de l'Union. Les investissements dans les deux sens sont considérables.
Il est de la plus haute importance pour nous que la monnaie unique
parte sur de bons rails. Si les incertitudes de départ sur les pays
membres et sur les parités ont été levées par les décisions intervenues
début mai - sous présidence britannique - la création de l'euro
n'en soulève pas moins des questions économiques et politiques que
la Grande-Bretagne considère comme fondamentales pour l'avenir de
l'Union. Les membres de l'Union économique et monétaire auront à
observer une grande discipline budgétaire et financière, et à piloter
leurs économies dans un souci de souplesse et de compétitivité,
sur fond de mondialisation croissante. La stabilité macro-économique,
le bon fonctionnement des marchés - de la production comme du travail
- le sain exercice de la concurrence sur un marché unique abouti
et la mise en œuvre de politiques sociales judicieuses seront à
cet égard indispensables. Le défi est de taille. Il faut absolument
qu'il soit relevé.
L'élargissement
La Conférence européenne et le processus d'élargissement ont pris
un bon départ sous notre présidence. La réunion inaugurale de la
Conférence européenne à Londres, à laquelle assistaient les chefs
d'Etat et de gouvernement de 26 pays européens, a été un puissant
symbole de l'Europe du futur, les divisions de la guerre froide
remisées au grenier. L'élargissement sera facteur de paix et de
prospérité pour l'ensemble de l'Europe.
Mais il suppose une réforme interne de l'Union. L'Allemagne, la
France et la Grande-Bretagne - qui sont contributeurs nets au budget
communautaire - savent bien que l'Union ne peut pas se contenter
d'appliquer aux nouveaux membres les politiques communes actuelles.
Nous devons hiérarchiser les besoins, établir des priorités, tant
pour ce qui est de la politique agricole commune que des fonds structurels
et de cohésion. Nous devons trouver de nouveaux mécanismes, qui
soient à la fois justes, durables et dans nos moyens. L'entreprise
ne sera pas facile, compte tenu des différents intérêts nationaux
en cause, notamment entre l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne.
Les négociations seront rudes. Mais il est indispensable qu'elles
aboutissent.
La PESC
La volonté de la Grande-Bretagne de doter l'Union d'une politique
étrangère et de sécurité commune qui marche ne date pas d'hier.
Nous croyons comme la France, qu'elle ne doit pas être l'expression
du plus petit dénominateur commun, mais s'arc-bouter sur des positions
partagées et un même regard sur le monde. Donner à l'Union une voix
plus forte et plus cohérente sur la scène mondiale est l'un des
premiers soucis de la présidence britannique.
En matière de crises internationales - dont beaucoup ont montré
la force de la PESC - nous avons eu plus que notre compte. Il nous
a d'abord fallu envoyer une mission de la Troïka à Alger après les
massacres perpétrés au mois de janvier. Puis il s'est agi pour l'Union
de traiter d'urgence le problème des immigrants clandestins venus
d'Irak et de Turquie. Là où le consensus européen avait volé en
éclats, la présidence a su ramener l'unité dans les rangs. C'est
notamment le cas à l'égard de la Chine, et de la position à adopter
sur le front des droits de l'homme, et de l'Iran. Prenant acte des
ouvertures du nouveau gouvernement, la présidence s'est efforcée
d'instaurer une politique d'équilibre envers Téhéran : équilibre
entre la volonté de bâtir des relations constructives, et la nécessité
de rester vigilant sur l'acquisition d'armes de destruction massive,
le terrorisme et la fatwa prononcée à l'encontre de Salman Rushdie.
Plus récemment, la présidence a été prompte à réagir à la détérioration
de la situation au Kosovo. Robin Cook, s'exprimant au titre de la
présidence, a envoyé un message sévère à Milosevic, puis a réuni
le "groupe de contact", qui a adressé un ultimatum à Belgrade et
exhorté les deux parties à négocier. La présidence a veillé à ce
que l'Union soit pleinement associée aux efforts du "groupe de contact"
et à ce que les mesures arrêtées soient mises en œuvre à la fois
au sein de l'Union et des Nations unies.
La crise en Irak a été, en revanche, plus difficile à gérer. La
nécessité de convaincre Saddam Hussein de se plier aux résolutions
du Conseil de sécurité faisait l'unanimité au sein de l'Union, mais
chacun n'était pas également disposé à faire usage de la force,
en ultime recours, pour y parvenir. La Grande-Bretagne et la France
avaient des avis divergents, d'autres Etats membres, dont l'Allemagne,
étant plus nuancés. Tous reconnurent que la solution qui est finalement
intervenue avait nécessité le double usage de la diplomatie et de
la menace de la force. Mais la crise a bien montré que la PESC n'était
guère opérante quand il y avait vraiment divergence de vues. Ces
divergences s'estomperont peut-être à mesure de l'évolution de la
PESC. Mais d'ici là, s'ingénier à afficher une convergence artificielle,
quand il n'y en a pas, ne rime pas à grand-chose.
Conclusion
Il y a 25 ans, la Grande-Bretagne a adhéré à la Communauté économique
européenne. Personne ne sait le tour que prendra l'Europe au cours
des 25 années à venir. Il y a seulement dix ans, la Conférence européenne
qui s'est réunie en mars aurait été inimaginable. Par contre, on
connaît les embûches qu'elle devra surmonter. La Grande-Bretagne
est décidée à jouer un rôle central pour l'y aider et à tout faire
pour bâtir une Europe de paix, de prospérité et d'innovation.
|