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Université Panthéon-Assas (Paris II) - Louis Vogel est également
avocat au barreau de Paris.
La concentration bénéficie d'un préjugé économique favorable.
C'est pourquoi il a fallu attendre 1989 pour voir instituer un contrôle
spécifique des opérations de concentration dans l'Union européenne.
Même s'il instaure un guichet unique en imposant une notification
préalable des opérations de dimension communautaire et en excluant
corrélativement pour ces opérations tout contrôle national, le règlement
du 21 décembre 1989 sur le contrôle des concentrations est davantage
le reflet d'un compromis politique que de préoccupations techniques,
dans la mesure où les Etats membres ont essayé par tous les moyens
de conserver intactes leurs prérogatives dans un domaine jugé essentiel
de la politique économique.
Une concentration de dimension communautaire
Le règlement définit la notion de concentration en alliant deux
critères : le moyen et le résultat. Certaines opérations, en raison
du moyen juridique employé, constituent à coup sûr des concentrations
: les fusions entre entreprises indépendantes. Ensuite, le règlement
définit la concentration par rapport au résultat auquel elle conduit,
la forme juridique étant alors indifférente : l'acquisition directe
ou indirecte du contrôle d'une ou plusieurs entreprises. Seules
les concentrations de dimension communautaire relèvent de la compétence
des autorités communautaires. Afin d'assurer une plus grande certitude
quant à la détermination de la compétence, le règlement définit
des seuils de contrôle qui se calculent en fonction du chiffre d'affaires
et non des parts de marché détenues par les entreprises. Ces seuils
sont en outre affectés d'indices de localisation afin de mieux mesurer
l'incidence d'une concentration sur la structure du marché commun.
Un contrôle préventif
Toutes les concentrations qui créent ou renforcent une position
dominante en portant ainsi une atteinte significative à la concurrence
dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci sont
déclarées incompatibles et prohibées (art. 2, §3 du règlement).
La réalité de l'atteinte à la concurrence s'apprécie compte tenu
d'indices tendant à déterminer le pouvoir de monopole des entreprises
ainsi que la contribution éventuelle de l'opération à l'intérêt
des consommateurs ou à l'évolution du progrès technique et économique.
Cette méthode dite du bilan concurrentiel emprunte ses critères
d'appréciation au droit de la concurrence classique.
Ainsi, le marché des produits en cause comprend tous les produits
ou services que le consommateur considère comme interchangeables
en raison de leurs caractéristiques, de leurs prix ou de leur usage.
La Commission n'hésite d'ailleurs pas à prendre en compte des facteurs
tels que le goût, l'image ou la marque pour délimiter le marché
en cause. Le marché géographique sur lequel s'apprécie la position
des entreprises concernées est soit le marché commun, soit une partie
substantielle de celui-ci, c'est-à-dire le plus souvent un marché
national, mais qui pourrait également être régional ou local.
En raison de l'importance des conséquences économiques des décisions
intervenant en matière de concentration, le règlement instaure un
système de contrôle préventif. Il institue une modification préalable
obligatoire pour toutes les opérations de dimension communautaire,
dont l'effet utile est assuré par une suspension de l'opération
de concentration durant une période assez brève (1mois) au cours
de laquelle la Commission se livre à l'examen de la notification.
A l'issue de cet examen préliminaire, la Commission peut rendre
trois types de décisions :
- Une décision d'inapplicabilité si elle constate que l'opération
n'entre pas dans le champ du règlement ;
- Une décision de compatibilité si l'opération ne soulève pas de
doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun ;
- Une décision d'engagement de procédure si l'opération relève du
règlement et soulève des doutes sérieux.
Les délais du contrôle sont brefs, puisque l'engagement de la procédure
doit aboutir dans un délai de quatre mois à une décision de compatibilité
ou d'incompatibilité.
Enfin, les Etats membres conservent une compétence résiduelle à
l'égard de toutes les opérations n'atteignant pas la dimension communautaire
et même de certaines opérations communautaires. Ils peuvent en effet
dans ce dernier cas prendre toutes mesures appropriées pour assurer
la protection de leurs intérêts légitimes ou demander le renvoi
de l'appréciation d'une opération de concentration à leurs propres
autorités de contrôle, mais dans des conditions strictement définies
par le règlement.
Bibliographie
- "Traité de droit commercial", tome 1 - avec Michel Germain, LGDJ,
1998.
- "Droit de la concurrence - La pratique en 500 décisions" - Ed.
du Jurisclasseur, 1997.
- "Droit de la distribution automobile" - avec Joseph Vogel, Dalloz,
1996.
- "Code de droit européen des Affaires" - Dalloz 1995.
- "Le droit européen des affaires" - avec Joseph Vogel, Dalloz,
1994.
- "Droit commercial européen" - avec B. Goldman et A. Lyon-Caen,
Dalloz 1994.
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