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Forum Franco-Allemand : Goethe a, d'une certaine manière, tenu
une place centrale dans la vie intellectuelle de son époque; quels
ont été les courants de pensée, les auteurs, les intellectuels,
les musiciens, les personnages politiques…qui ont eu avoir une influence
sur lui?
Francis Claudon : Nous nous retrouvons pour évoquer le 250e anniversaire
de Goethe né en 1749 à Francfort. Peut-être n'est-il pas inutile
de rappeler que l'Allemagne de cette époque est une Allemagne profondément
différente non seulement de celle d'aujourd'hui, mais également
de celle du 19e siècle; c'est une Allemagne morcelée, une mosaïque
de petits états dans lesquels il n'y a pas de grande puissance ou,
plus exactement, le Saint Empire romain germanique est dirigé -
mais dirigé théoriquement - par la maison de Habsbourg d'où provient
depuis des siècles le souverain du Saint Empire; et face à celle-ci,
il y a dans le nord, je devrais dire vers le nord-est, la maison
de Brandebourg, c'est-à-dire la Prusse.
Depuis la guerre de Trente ans, c'est-à-dire depuis mai 1618, et
pour longtemps encore, pratiquement jusqu'à la chute de Napoléon,
l'Allemagne est un terrain où les puissances européennes s'affrontent;
cette situation était particulièrement perceptible dans la ville
de Francfort, qui était une ville impériale libre, avec une bourgeoisie
importante, une banque juive puissante, etc.… Elle a été occupée
par les troupes françaises. Cette atmosphère de la ville natale
de Goethe, où il passa sa jeunesse, nous la connaissons bien par
les propres aveux de Goethe dans ses mémoires Poésie et vérité,
(Dichtung und Wahrheit). Il y a deux souvenirs qui comptent dans
cette enfance de Goethe : le premier, c'est lorsque ses parents
logent en 1764 - son père était un jurisconsulte, admirateur de
la Prusse - dans leur belle maison qui a été reconstituée au Fossé
des Cerfs, un officier français qui a toutes les qualités et tous
les défauts de l'homme de cour, du parisien, de l'homme de la bonne
société française : frivole, coquet, poli, cultivé et adorant le
théâtre. On peut imaginer que cet officier a répandu un parfum parisien,
la mode, le succès des encyclopédistes qui bat son plein à la même
époque.
Forum : Vous évoquez le comte de Thoranc…
F. Claudon : Exactement. La seconde influence intellectuelle notable,
qui découle d'ailleurs de la première, c'est la découverte très
tôt par Goethe du plaisir du théâtre. Il le découvre par ce petit
théâtre de marionnettes qu'il possédait et avec lequel il jouait
avec sa sœur pour la plus grande satisfaction de ses parents. Le
théâtre va être une référence constante et capitale dans l'œuvre
de Goethe, non seulement parce qu'il a lui-même écrit beaucoup de
pièces, mais parce qu'un de ses plus beaux romans, le "Wilhelm Meister",
est centré autour de la vocation théâtrale et de la profession d'acteur…Pour
en revenir à l'enfance, ces marionnettes pouvaient certes jouer
des légendes, comme la légende du Dr Faust très répandue en Europe
centrale à cette époque là, mais aussi les pièces à la mode que
l'on parodiait et que l'on donnait - exactement comme maintenant
la télévision adapte les grands succès de la littérature.… Les succès
du théâtre à cette époque, on ne le dira jamais assez, ce sont les
succès parisiens : les comédies et surtout les tragédies néo-raciniennes,
de Crébillon, de Voltaire par exemple. On ne dira jamais assez non
plus à quel point l'Europe du 18e siècle, pour reprendre une formule
célèbre qui est de Louis Réaux, "C'est l'Europe française au siècle
des Lumières, du siècle des Lumières"; pour tous les esprits, la
pierre de touche de leurs goûts, de leur culture, de leur agilité,
c'est la connaissance du français, des usages français, de la culture
française, quitte pour eux ensuite à s'y opposer : c'est le cas,
partiellement, de Goethe.
Evoquons à présent une deuxième série d'influences, un peu plus
tardive : ce sont ses lectures car le jeune homme est intelligent,
cultivé; son père le destine, comme lui-même, à une carrière de
jurisconsulte. On sait ce qu'il en adviendra! Néanmoins, Goethe
a fait des études de droit tout à fait sérieuses. En même temps
il lit les auteurs allemands de son temps. Il y en a un qu'il a
particulièrement apprécié et que toute la critique goethéenne a
également salué, c'est le poète Klopstock, l'auteur de la "Messiade",
c'est-à-dire d'une épopée chrétienne très sentimentale comme il
en existe d'autres à l'époque; cette œuvre de Klopstock est à rapprocher
du "Lost Paradise" de Milton par exemple, c'est-à-dire des œuvres
inspirées par la religion certes mais dans lesquelles la religion
est surtout une occasion d'épanchement de l'âme et de peintures
sentimentales. Ce que je souhaite souligner ici, c'est que très
spontanément, de par l'effet de l'époque, de par son goût personnel,
de par ses lectures, Goethe se trouve d'emblée dans une situation
de carrefour; il hérite de ce qui lui est légèrement antérieur et
imprime sa marque à ce qui va lui être légèrement postérieur. Je
crois que cette fonction de carrefour constitue la caractéristique
essentielle de Goethe.
Une troisième influence qui s'exerce sur Goethe à peu près à la
même époque, est lorsqu'il se rend à Leipzig pour continuer ses
études de droit. Leipzig est une vieille ville bourgeoise; ce n'est
pas une cour. Elle a une tradition de marchands, ce qui lui confère
un caractère très cosmopolite; on la surnomme "le petit Paris" parce
qu'on y trouve un cercle de poètes comme Hagedorn, Gellert, Gottsched
etc., qui sont de grands admirateurs des frivolités françaises;
j'emploie ce terme à dessein pour désigner ces petits vers, ces
petits genres composés le plus souvent par des poètes de cour. Goethe
prend contact avec cette mode mais il comprend très vite, même s'il
compose quelques poèmes dans ce goût, qu'il ne s'agit pas de son
aspiration personnelle. C'est à ce moment que son père le rappelle
à Francfort et vite ; il l'envoie à l'université de Strasbourg.
Cette période de sa vie sera capitale pour lui. Comme on le sait,
Strasbourg est une ville française…; je commets sciemment cette
erreur puisque Strasbourg est une ville germanique - je ne dis pas
allemande- qui dépend de la suzeraineté politique, militaire… du
royaume de France justement depuis la guerre de Trente ans, depuis
les traités de Westphalie de 1648. C'est Louis XIV qui a réussi
à faire tomber Strasbourg et l'Alsace dans l'escarcelle des rois
de France. Il y a donc bien sûr un gouverneur français, des officiers
français, un théâtre français… mais c'est plutôt une ville bi-culturelle
dans laquelle la majorité des citoyens, la part la plus importante
de la vie intellectuelle, culturelle, sociale… relèvent de la culture
allemande.
Dans cette université de Strasbourg, Goethe fait bien évidemment
son droit mais il y rencontre aussi deux influences : tout d'abord,
celle d'Herder qui est un professeur, un intellectuel qui a une
carrière extrêmement variée, vagabonde; on peut mentionner à titre
d'exemple, qu'il a résidé à Riga tout au nord-est de l'Europe, qu'il
passe ensuite par Strasbourg et finit d'ailleurs ses jours à Weimar
en même temps que Goethe. Herder, qui était un philologue, un anthropoloque,
un ethnologue se préoccupait de la culture populaire. Il recueille,
comme vont le faire les frères Grimm, toutes les traces de cette
vieille Allemagne, de cette civilisation germanique qui n'avait
pas atteint, du moins par rapport aux standards du temps, le degré
d'élégance, de sophistication, d'attraction, d'universalité de la
culture française. C'est Herder qui révèle au jeune Goethe la richesse
du patrimoine allemand. L'autre influence, même si elle n'est pas
incarnée par un homme, est néanmoins lié à Herder et à ce patrimoine
allemand, c'est la cathédrale de Strasbourg; cette splendide cathédrale
gothique qui se dresse au milieu d'édifices du plus pur style 18e,
comme le palais des Rohan, l'hôtel du gouverneur, la préfecture,
le théâtre etc. marque profondément Goethe. Il a donc un véritable
choc devant cette belle cathédrale en grès rose; cette émotion renforce
les propos de Herder sur la dignité de la culture de la vieille
Allemagne. Je crois qu'à ce moment précis Goethe comprend que s'il
a quelque chose à dire, c'est dans cette veine qu'il devra exercer
son talent. Cette veine est bien représentée par les poèmes d'amours
qu'il écrit pour une petite alsacienne qui est la fille d'un pasteur
du village de Sesenheim à quelques 60 kilomètres au nord de Strasbourg,
Frédérique Brion. L'un des plus célèbre poèmes inspiré par cette
époque, par cet amour, par cette redécouverte du folklore, est celui
de "La rose des bruyères" (das Heidenröslein). Ce poème est tellement
parfait qu'on croit en général qu'il s'agit d'un chant populaire
anonyme; or, c'est un faux populaire inventé par Goethe, à peu près
de la même manière qu'un certain instituteur écossais qui s'appelait
Macpherson réinvente et réécrit les poèmes d'Ossian.
Il faut maintenant évoquer une influence, celle de la littérature
anglaise. Lorsque Goethe vit cette idylle avec la fille du pasteur
Brion de Sesenheim, il croit réincarner une histoire qu'il a déjà
lue, celle du "Pasteur de Wakefield" de Goldsmith. Il faut savoir
qu'à cette époque, le pays du roman c'est l'Angleterre avec, entre
autres, le roman sentimental de Richardson et de Goldsmith dont
"le pasteur de Wakefield" plaît tant à Goethe.
Son séjour à Strasbourg, sa découverte de la vieille Allemagne et
de la vieille culture allemande ont donc renforcé sa détermination
de devenir un écrivain s'inscrivant dans la voie de Herder. Goethe
produit alors une première série de grandes œuvres qui sont d'emblée
des chefs d'œuvres : Werther, Prométhée, Goetz von Berlichingen;
elles vont lui valoir la fameuse invitation du duc de Weimar qui
l'entraîne à sa suite à Weimar dans les années 1775.
L'installation de Goethe dans la ville de Weimar correspond à une
autre période de sa vie intellectuelle. Il s'agit d'une période
tout à fait différente car il va subir une sorte d'élévation de
l'esprit; de par ses lectures il va d'abord subir une profonde influence
des classiques au sens le plus traditionnel du terme c'est -à-dire
la littérature latine et grecque. Ensuite, Schiller qui vient s'établir
à Weimar et qui deviendra son ami, favorise le penchant vers la
philosophie qui existait déjà chez lui; il lui fait connaître par
exemple les théories du sublime qui procèdent de la philosophie
kantienne. C'est une influence extrêmement importante.
Dans cette période weimarienne qui dure à peu près jusqu'en 1805-1806,
les événements se déroulant en France exercent également une influence
très importante sur Goethe: la révolution française et les théories
révolutionnaires; Goethe a participé à la bataille de Valmy, ce
qui l'a d'ailleurs conduit à intituler l'un de ses ouvrages "Campagne
en France". Il écrit à cette occasion une phrase que l'on répète
toujours: "…j'y étais et à ce moment là j'ai compris que commençait
un nouveau monde". Ce nouveau monde c'est celui de l'idéologie,
c'est celui des écrivains comme Chateaubriand, c'est aussi le monde
des premiers théoriciens du romantisme avec, par exemple, les frères
Schlegel; ces derniers avaient d'ailleurs demandé à Goethe - et
c'est extrêmement important- son soutien car il était le personnage
le plus célèbre d'Allemagne du moins dans le domaine littéraire;
il est intéressant de remarquer qu'il n'accordera pas ce patronage
que lui réclame la jeune génération. L'explication de ce refus nous
conduit à revenir à 1806; à partir de cette période, il est saisi
d'admiration pour Napoléon. Ce dernier bat la Prusse à la fameuse
bataille de Iéna en 1806 et Goethe reçoit à cette occasion - on
ne le sait pas assez - la visite de quelques français dont Vivant
Denon qui est chargé d'effectuer des réquisitions; l'exposition
du Louvre en 1999 a d'ailleurs été l'occasion de le célébrer. Il
s'adresse à Goethe et lui demande d'avoir la main légère en ce qui
concerne les collections du duc de Weimar, ce qui se produit. Dans
le sillage de Denon il y a aussi un certain Henri Beyle qui n'est
pas encore écrivain. Ainsi, à la suite de cette disparition absolument
renversante du royaume de Prusse, l'Allemagne est une fois de plus
soumise à l'heure française, à l'influence française et à l'esprit
napoléonien. On sait que Napoléon décore Goethe de l'ordre de la
légion d'honneur quelques années plus tard. Goethe sera toujours
très fier de cette distinction; même lorsque Napoléon tombera, il
gardera cette décoration.
Cette influence, que l'on pourrait appeler "l'idéologie", explique
cette espèce de malentendu qui va durer et qui va donner cette fameuse
formule qu'on lui reprochera tant, il me semble que c'est dans une
conversation avec Eckermann : "J'appelle classique ce qui est sain
et romantique ce qui est malade"; c'est tout dire, Goethe est l'intellectuel,
l'écrivain le plus célèbre d'Allemagne mais il manifeste un refus
vis-à-vis du romantisme, il refuse l'influence du romantisme. Je
crois que c'est ici que s'arrête la liste des influences intellectuelles
qui s'exercent sur Goethe parce que du fait de sa position exceptionnelle
et exemplaire c'est plutôt l'autre pan de l'histoire qui va nous
intéresser maintenant c'est-à-dire l'influence que Goethe exerce
sur l'Europe intellectuelle et sur les Français aussi.
Forum : Par l'ampleur et l'universalisme de son œuvre, Goethe
est également devenu une figure culturelle intemporelle; quels sont
les auteurs, les artistes allemands et européens qu'il a influencés?
Pourriez-vous insister plus particulièrement sur la réception de
son œuvre chez les écrivains et les intellectuels français ?
F. Claudon : De même que Goethe a été influencé dans certains domaine,
dans la formation de ses idées et dans la délimitation de son génie
littéraire, à l'inverse il a exercé une influence très sûre que
l'on peut mesurer de deux manières. Je dirais qu'il a influencé
certaines personnes, soit par l'intermédiaire de ses œuvres, soit
par ses rencontres personnelles.
En ce qui concerne la France, il y a deux cas très célèbres. Le
plus célèbre est certainement la visite de Mme de Staël en Allemagne;
elle s'y rend en 1807 parce qu'elle est obligée de fuir les rappels
à l'ordre de Napoléon. Il y a à ce sujet une petite anecdote que
j'aime toujours citer et qui se rapporte à l'avant-propos de ce
livre capital pour l'histoire des rapports franco-allemands, capital
pour l'histoire du romantisme et de l'Europe aussi :"De l'Allemagne".
Lorsqu'elle veut faire paraître ce livre en 1810, la censure représentée
par Savary, duc de Rovico, ministre de la police, intervient; il
lui écrit à peu près ces quelques mots qui sont reproduits dans
la préface de cet ouvrage : "Madame c'est moi qui ai interdit la
publication de votre ouvrage. Ce livre n'est point français; nous
n'en sommes pas encore à rechercher des modèles parmi les peuples
que nous asservissons".
Or qu'y a-t-il dans "De l'Allemagne"? Il y a par exemple le long
récit, détaillé et éloquent des conversations que Mme de Staël a
pu avoir avec Goethe à qui elle a rendu visite à Weimar. Elle analyse
très bien les points forts du génie de Goethe qui du même coup deviennent
les directions, les sillons dans lesquels Goethe imprime sa marque
: c'est le roman avec Werther, Les affinités électives et le Wilhelm
Meister, c'est le théâtre avec Faust ou Goetz von Berlichingen par
exemple, et c'est enfin la poésie essentiellement antérieure à 1810.
Il y a un autre français que je souhaite évoquer car il s'est en
quelque sorte confronté à distance avec Goethe, c'est Chateaubriand.
Effectuons à ce propos un bref rappel d'histoire littéraire. En
1761, Jean-Jacques Rousseau publie "La nouvelle Héloïse", qui est
un grand succès; le livre est imité par tout le monde : par des
Anglais mais aussi par Goethe dans l'histoire de Werther. Goethe
a explicitement présenté Werther à la fois comme une réponse à La
nouvelle Héloïse et au Pasteur de Wakefield que nous évoquions précédemment.
Le Werther de Goethe est un énorme succès. Après sa traduction en
français, un jeune homme du nom de François-René de Chateaubriand
répond par l'intermédiaire d'un livre qui s'intitule René. Il y
a une rivalité entre Goethe et Chateaubriand, comme il en existe
aussi une entre Chateaubriand et Byron, l'auteur de Childe Harold.
On devine bien le point commun de toutes ces œuvres, entre le Werther
de Goethe, le René de Chateaubriand, le chevalier Harold de Byron
: ce sont différentes expressions du mal du siècle.
Je souhaiterais citer quelques phrases de Chateaubriand : "La moralité
tout à fait neuve et malheureusement d'une application très étendue
est le sujet de ce livre. Il s'adresse à ces nombreuses victimes
de l'exemple du jeune Werther, de Rousseau qui ont cherché le bonheur
loin des affections naturelles du cœur et loin des voies communes
de la société". C'est ce qui est écrit en 1802 à propos de René
qui est donc explicitement présenté comme une réponse française
et chrétienne au Werther allemand suicidaire de Goethe. Lorsqu'il
rédige ses Mémoires d'outre-tombe bien des années plus tard, rappelons
ce que Chateaubriand écrit à propos de Goethe; d'abord il le surnomme
le poète de la matière par opposition à l'esprit, le poète panthéiste
par opposition au génie chrétien etc.… Voulant situer cette trilogie
Goethe-Chateaubriand-Byron, Werther-René-Childe Harold, il écrit
donc : "Lord Byron vivra soit qu'enfant de son siècle il en ait
exprimé comme moi et comme Goethe avant nous, la passion et le malheur"
et il ajoute "[…] je reconnais tout d'abord que dans ma première
jeunesse, Ossian, Werther, Les rêveries du promeneur solitaire,
Les études de la nature de Bernardin de Saint Pierre ont pu s'apparenter
à mes idées ".
La deuxième influence que l'on peut évoquer dans un tout autre domaine,
c'est l'histoire des relations de Goethe avec Beethoven. Ce très
célèbre compositeur nourrissait une grande admiration pour Goethe.
L'analyse de leurs rapports a été faite par Romain Rolland. Dans
Goethe et Beethoven - l'un des volumes d'une longue série - il rappelle
que Beethoven qui était enthousiasmé par les poèmes de Goethe dans
les années 1814-1820, aurait souhaité collaborer avec lui et mettre
en musique certains de ses textes ou rédiger un opéra avec lui.
Ainsi, il est allé à sa rencontre à Teplice en Bohème. Goethe était
très choqué par cette homme très différent de lui et qui l'entraînait
dans de longues promenades; alors que Goethe était un homme de cour,
un homme bien élevé, fréquentant des altesses, et se répandant en
saluts dans la rue lorsqu'il apercevait un grand duc ou l'empereur
d'Autriche, Beethoven au contraire était le chapeau sur la tête,
ne se découvrant pas pour saluer les altesses et voulant absolument
monopoliser la conversation de Goethe en l'interrogeant sur ce que
penserait le monde s'ils se mettaient à travailler ensemble. Il
y a une influence négative ou plus exactement une déception de Beethoven
vis-à-vis de Goethe. On peut comparer cette déception à celle que
les romantiques ont éprouvée vis-à-vis de Goethe qui les tenait
à distance.
N'oublions pas non plus de mentionner l'influence de Goethe sur
Schubert qui a d'ailleurs mis un très grand nombre de ses textes
en musique. Il n'a jamais rencontré Goethe mais il lui a envoyé
certains de ses ouvrages et Goethe ne lui a pas répondu. Ce côté
olympien de Goethe - l'olympisme de Goethe après 1810 - est l'une
de ses caractéristiques jusqu'à la fin de sa vie. Il s'est enfermé
dans une sorte de tour d'ivoire. Il adopte d'ailleurs le même comportement
à l'égard du poète Heinrich Heine qui aura des sentiments extrêmement
mitigés vis-à-vis de Goethe. Il y a donc un contact qui ne s'est
pas établi, une relation manquée entre Goethe et les intellectuels
allemands, de quelque art qu'ils soient, contemporains ou postérieurs
à lui.
Finalement, si on me demande quels sont les intellectuels avec lesquels
Goethe a nourri le plus de contacts volens nolens, je pense que
c'est quand même avec les français. En effet, tout au long du 19e
siècle et du au 20e, à peu près jusqu'à la guerre, on connaît très
bien cet auteur et son œuvre; par exemple, l'un des fondateurs de
la discipline de la littérature comparée à laquelle j'appartiens,
Fernand Baldensberger, a écrit un Goethe en France qui relate l'histoire
de tous ceux qui se sont réclamés de Goethe. Ainsi, on peut constater
que malgré les guerres, malgré les différents contentieux franco-allemands,
Goethe a toujours exercé une grande fascination sur les artistes
et les intellectuels français; sur Gérard de Nerval par exemple,
qui en 1840 traduit d'abord le Faust - il n'est pas le seul bien
sûr - beaucoup de poèmes ainsi que d'autres poètes comme Uhland,
comme Bürger, comme Schiller…. Dans la préface, il refait, après
Madame de Staël, l'éloge de Goethe et insiste sur certains aspects
de sa poésie : par exemple sur son côté populaire, sur son côté
panthéiste, choses que Madame de Staël n'avait peut-être pas soulignées
assez clairement. Je précise qu'en 1840, les rapports franco-allemands
ne sont pas bons; c'est l'époque de la guerre du Rhin pendant laquelle
un poète qui s'appelait Becker écrit un Poème sur le Rhin allemand
(Rheinlied) à quoi répond Musset: "il a tenu dans notre verre, nous
l'avons eu votre Rhin allemand". Il est assez remarquable de relever
qu'à cette même période Gérard de Nerval se répand en admiration
pour l'Allemagne et pour Goethe dans lequel il veux voir un lien
nécessaire et indispensable dans le commerce que doivent entretenir
les deux nations.
Il y a d'autres exemples; après 1870, on considérait qu'une des
causes de la défaite française devant la Prusse (Sedan…) était l'
insuffisance du système universitaire français. On a alors voulu
bâtir une université française "à l'allemande"; c'est de cette époque
que date la fondation de quelques grandes chaires de littérature
et de langue allemande qui ont été tenues par Lichtan Berger, Andler….
Ces dignes germanistes ont toujours été de grands admirateurs de
Goethe. Pour ces intellectuels, Goethe a continué de représenter
la nécessité du maintien du lien fran- co-allemand; ils pensaient
donc que cet auteur allemand avait quelque chose à apporter et à
dire à la France et aux Français.
Plus tard, au 20e siècle, Proust parle de Goethe dans La fugitive
d'une façon qui est très jolie; au moment où Albertine a échappé
à l'amour du jeune Marcel, ce dernier lit Les affinités électives
pour se consoler. Cette histoire qui décrit des tempéraments qui
se retrouvent et se détruisent aussi, un peu à la manière des substances
chimiques qui produisent des mélanges détonants, est très belle.
Gide a également été un très grand amateur de Goethe. Lorsqu'il
rédige son journal en juin 1940 - période dramatique de l'histoire
- il relit parallèlement le deuxième Faust et écrit ceci : "Que
de beauté s'y découvre encore et toujours. Quel foisonnement. Tout
y est saturé de vie. Goethe aborde aux régions sublimes avec tant
de naturel que l'on s'y sent avec lui toujours de plein pied". C'est
assez renversant, au moment où des hordes nazies et la Wehrmacht
déferlent sur la France, certains Français, si typiquement français
comme André Gide, lisent Goethe. Par ailleurs, lorsqu'il se rend
en voyage au Congo en 1930 où il va dénoncer le colonialisme… ses
livres de chevet sont: Les affinités électives, Les conversations
avec Eckermann, Faust, les Mémoires et puis quantité de poèmes,
de recueils tels que Le divan occidental-oriental, Les élégies romaines,
Hermann et Dorothée…. Goethe a été l'une des lectures constantes
et favorites de Gide, même si l'on peut considérer que cet auteur
français a stylistiquement, esthétiquement - je pense par exemple
aux faux monnayeurs - essayé de faire de l'anti-Goethe, de réécrire
à sa manière les Affinités électives.
Enfin, il ne faut pas oublier Charles Dubos, critique littéraire
un peu oublié aujourd'hui, ami de Gide, de Claudel… qui a consacré
plusieurs textes à Goethe, célébrant sa grandeur, son côté olympien,
le classicisme de son art; ce sont les maîtres mots qui reviennent
constamment dans ses écrits. Ce n'est pas le Goethe de la jeunesse
qui l'intéresse, c'est celui de la maturité et de la fin. Gide et
Charles Dubos se sont d'ailleurs associés en 1932, anniversaire
du centenaire de la mort de Goethe, pour préparer un hommage à Goethe
dans la NRF qui s'intitule Goethe et la France.
Forum : Revenons à l'actualité! Goethe est souvent comparé à
un "monument", à un "massif"… N'est-il pas devenu une sorte de mythe
à travers l'histoire allemande? Dans cette perspective, l'importance
des manifestations culturelles qui ont été organisées dans la ville
de Weimar sur le territoire de l'ex-RDA pour le 250ème anniversaire
de sa naissance n'ont-elles pas eu pour fonction de promouvoir l'image
d'une nation allemande unie autour d'une figure culturelle unissante
?
F .Claudon : En ce qui concerne les célébrations goethéennes à Weimar,
je voudrais tout d'abord signaler que ce ne sont pas les premières.
Il faut se rappeler une certaine visite de Thomas Mann à Weimar
du temps de la RDA. C'est un chapitre un peu douloureux dont les
français ne sont peut-être pas tout à fait conscients s'ils ne sont
pas germanistes professionnels. Il y avait une concurrence du temps
des deux Etats allemands pour s'approprier les grands ancêtres et
les grandes valeurs culturelles. Qu'il s'agisse de Wagner, de Goethe,
de la peinture romantique de Friedrich…, on les célébrait dans les
deux Allemagnes. Jusqu'en 1989, Weimar était dans l'escarcelle de
la République Démocratique Allemande; cette dernière ne s'est donc
pas privée d'en profiter. Néanmoins, je dois dire que la Fondation
Weimarer Klassik qui existait à cette époque était un organisme
intéressant qui menait une réelle politique d'expositions, de constitution
de collections, de colloques et de publications; on ne peut écarter
ce fait d'un revers de main. Ce qui a été fait en faveur de Goethe
depuis la visite de Thomas Mann au début de la fondation de la RDA
jusqu'à la chute du mur, il ne faut pas le considérer comme quantité
négligeable.
Or, maintenant que la République Fédérale a récupéré ce qu'elle
a toujours considéré comme son héritage naturel, comme son prolongement
naturel, je trouve que les célébrations weimariennes en l'honneur
de l'anniversaire de Goethe ont été un peu trop académiques. Elles
me semblent un peu trop officielles pour me démontrer la vivacité,
la pérennité de l'influence concrète de Goethe dans l'Allemagne
d'aujourd'hui. Je ne pense pas qu'auprès de la population allemande
Goethe représente grand chose. C'est un grand ancêtre, mais un grand
ancêtre un peu mort. En revanche, je crois que les célébrations
françaises en faveur de Goethe, parce qu'elles ont été le fait de
spécialistes et qu'elles ont réuni un nombre infiniment plus restreint
de personnes ont été plus sincères, plus spontanées et donc plus
fructueuses pour l'avenir.
Forum : Vous évoquiez précédemment Schiller... Pourriez-vous
préciser la nature des rapports que Goethe entretenait avec le romantisme
?
F. Claudon : Je ne pense pas qu'il y ait de grandes affinités entre
Goethe et les romantiques, du moins les romantiques allemands. Et
en tous cas, il est certain que le genre du drame de Faust, de Goetz
von Berlichingen… n'est pas une invention goethéenne; c'est une
invention anglaise ou espagnole si l'on suit la théorie de Schlegel
en se reportant au théâtre du siècle d'or espagnol. De plus, à l'époque
de Goethe, les œuvres de Diderot représentent le modèle dramatique.
Malgré cela, Goethe et Schiller ont réussi à faire du drame, qu'ils
pratiquaient tous les deux (Schiller avec Les Brigands, Goethe avec
Egmont, Goetz von Berlichingen, Faust) une machine de guerre contre
le théâtre à la française, c'est-à-dire la tragédie. De ce point
de vue, il est certain que la contribution de Goethe, comme de Schiller,
au romantisme est énorme, capitale, essentielle et irréversible.
Tout ce qui se passe par exemple en France à propos de la genèse
du drame romantique, est dû aux traductions françaises de Goethe
et de Schiller et aux discussions qu'elles ont provoquées, en particulier
grâce à Madame de Staël dans De l'Allemagne.
Nous devons également évoquer l'influence de Goethe sur le roman.
Le roman romantique ne serait certainement pas ce qu'il est s'il
n'avait pas existé. Le Wilhelm Meister correspond à un type de roman
: le roman d'éducation ou Bildungsroman. On peut constater que ce
roman d'éducation constitue un modèle suivi tacitement, sans qu'ils
s'en aperçoivent peut-être, par les romanciers français : Le rouge
et le noir est un roman d'éducation, l'Education sentimentale de
Flaubert est un roman d'éducation, Jean-Christophe de Romain Rolland
est un roman d'éducation de même que Les faux-monnayeurs de Gide
que nous évoquions précédemment. La contribution de Goethe à l'évolution
du roman est donc essentielle; elle commence avec le roman romantique
: Les illusions perdues n'est pas autre chose qu'un roman d'éducation.
Ainsi, on perçoit bien que l'apport de Goethe au mouvement romantique
est essentiel. Mais, je dirais que cet apport s'est peut-être davantage
effectué à l'égard du mouvement romantique européen dans son ensemble
qu'à celui du mouvement romantique allemand; par exemple, il ne
me semble pas qu'il y ait de véritable relation entre les contes
d'Hoffmann et Goethe, ou qu'il y ait de relation entre le Heinrich
von Ofterdingen de Novalis, qui est pourtant lui aussi un roman
d'éducation, et Goethe.
Ainsi, curieusement l'influence de Goethe sur le romantisme est
plus forte lorsqu'il s'agit du romantisme européen et français en
particulier, que lorsqu'il s'agit du romantisme allemand. Néanmoins,
on ne peut négliger l'influence de Goethe dans le domaine du lyrisme
même si c'est une question extrêmement compliquée. Goethe a introduit
une souplesse, une plasticité du vers, une diversité de ton; la
variété de ses sujets d'inspiration, le fait qu'il soit un très
grand poète de l'amour ont très certainement influencé les poètes
romantiques allemands. Il n'en fut pas de même pour la majorité
des romantiques français qui n'eurent accès à ces poèmes que bien
plus tard, lors de leur traduction. Je crois qu'ils ne furent pas
traduits avant l'anthologie de Gérard de Nerval, dans les années
1830. Les caractéristiques de l'œuvre de Goethe, le très grand poète
de l'amour, que nous venons d'évoquer, ont donc intéressé les poètes
romantiques allemands mais peut-être surtout ceux de la deuxième
génération; il ne s'agit pas de ceux qui meurent aux alentours de
1800 comme Novalis, mais plutôt de Brentano, Arnim, Eichendorff,
Uhland et surtout Heine que l'on classe souvent parmi les romantiques
mais qui peut tout autant être considéré comme un anti-romantique;
Heine est un cas spécifique, mais avec sa Lorelei, il a quand même
beaucoup servi la cause du romantisme. Pour un Français ordinaire,
le romantisme allemand en matière lyrique correspond aux poèmes
de Heine.
Forum : Goethe a quand même été influencé par la quête d'universalisme
du premier romantisme…
F. Claudon : En effet, si quelque chose doit rapprocher Goethe et
les premiers romantiques, c'est-à-dire les Schlegel, Novalis…, c'est
le goût scientiste, la manie scientiste et classificatrice. C'est
l'époque du développement des sciences de la nature. Goethe, comme
Schlegel et comme Novalis, était très intéressé par les sciences
de la nature, que ce soit la botanique, la minéralogie ou la zoologie.
Pour prendre un exemple, qui intéresse ma corporation comparatiste,
c'est pendant cette période que l'on se met à pratiquer la méthode
comparée dans les sciences : il existe une anatomie comparée, une
botanique comparée, une philologie comparée…. On a conçu les connaissances
comme les langues, les arts… non plus comme des productions singulières,
comme des espèces de bloc erratiques séparés les uns des autres,
mais au contraire, comme un ensemble réuni dans une sorte d'arbre
dont le tronc doit être reconstitué par le savant. Goethe était
très intéressé par ce type de raisonnement, qui était le raisonnement
des scientifiques en même temps que celui des premiers romantiques
de l'époque. Ce mode de raisonnement est particulièrement intéressant
pour un professeur de littérature comparée comme moi parce qu'il
a mis à la mode un concept dont nous nous servons beaucoup : le
principe de la littérature mondiale, dit Weltliteratur. Goethe pense,
et c'est parfaitement en accord avec les théories des théoriciens
romantiques tels que les frères Schlegel dans les années 1800-1806,
qu'il n'y a pas une littérature française d'un côté, une littérature
italienne de l'autre…; ce sont toutes les branches d'un même arbre,
cet arbre dont le tronc s'appelle la Littérature Mondiale.
Forum : On retrouve ici la manière goethéenne valorisant le "tout"
par rapport aux parties et surtout aux "fragments"…
F. Claudon : Tout à fait. A cette occasion, je ne peux pas m'empêcher
d'évoquer la réflexion de Goethe sur les éléments purs. Dans Les
affinités électives, il essaye de déterminer ce qu'est l'amour pur,
c'est-à-dire l'amour par inclination, comme le fer est attiré par
l'aimant. C'est valable aussi pour le domaine littéraire. A deux
reprises, au moins, Goethe a essayé d'écrire des genres purs : le
genre de la nouvelle et le genre du conte, eine Novelle, ein Märchen,
qui ne se rapportent ni à un événement, ni à un personnage. Lorsque
Goethe écrit eine Novelle ou ein Märchen, il est exactement sur
la même longueur d'onde que les théoriciens romantiques allemands
qui essayent à la même époque de déterminer ce qu'est la littérature
dans sa quintessence, la littérature à l'état d'essence. C'est un
rapport très intéressant qui est en même temps tout à fait moderne
puisque la linguistique, l'analyse structurale des récits, enfin
tout ce qui procède des formalistes russes, essaye aussi de mettre
à jour ce qui fait qu'un texte littéraire est littéraire, ce qui
fait la littérarité chère à Jakobson. En fait, Goethe a essayé de
créer en laboratoire, in vitro, de la littérarité : eine Novelle,
ein Märchen.
Forum : Quelle signification Goethe donnait-il aux notions de
cosmopolitisme et de culture européenne ? Peut-on parler d'actualité
de la pensée de cet auteur à propos de ces notions ? Ne risquent-elles
pas de provoquer quelques contresens?
F. Claudon : C'est une question intéressante! En effet, la notion
de cosmopolitisme avait les faveurs des intellectuels à l'époque
de Goethe. A ce propos, revenons sur un détail; nous avons rappelé
précédemment que Goethe avait été décoré de l'ordre de la légion
d'honneur par Napoléon. Lorsque ce dernier perd l'Allemagne en 1813-1814,
toute la jeunesse romantique allemande s'est rangée militairement
sous la bannière du roi de Prusse ou de l'empereur d'Autriche pour
expulser les Français d'Allemagne; elle estimait qu'ils empêchaient
au fond le développement de la culture allemande et qu'ils empêchaient
l'Allemagne de vivre à l'heure romantique. La guerre de libération
avait d'ailleurs enflammé tous les intellectuels allemands à l'image
de Karl Maria von Weber. C'est précisément à cette période qu'une
très grande rupture entre Goethe et son temps se produit. Goethe
passe alors pour un homme d'Ancien Régime qui n'a rien compris à
l'histoire et qui trahit ses compatriotes de langue parce qu'il
se considère comme un européen, comme un citoyen de l'Europe ou,
comme on disait à l'époque, comme un "cosmopolite"; c'est cela le
véritable sens que l'on donnait au mot "cosmopolite". A une époque
récente, dans les régimes marxistes, le mot cosmopolite était une
critique, une condamnation ; un esprit cosmopolite était par opposition
quelqu'un qui trahissait les intérêts nationaux de son pays et de
son régime.
Donc, en 1813, Goethe continue à pérenniser l'attitude, les idées,
les conceptions, le comportement d'un cosmopolite. Le cosmopolite
c'est celui qui pratique les langues, qui aime tous les pays, qui
considère par exemple que la meilleure architecture est l'italienne,
que le meilleur théâtre est le français, que la meilleure poésie
est peut-être l'allemande, que la meilleure musique est certainement
l'allemande… c'est cela le cosmopolitisme. C'est l'ouverture intellectuelle
avec le refus de dire qu'une civilisation est supérieure à une autre;
néanmoins, il y a, in petto, un correctif, en tous cas à l'époque
: la meilleure des civilisations est quant même l'européenne et
je ne suis pas persuadé personnellement que cela ait beaucoup changé.
Je crois que la civilisation européenne considérée comme un cosmopolitisme
a encore beaucoup de choses à dire et à faire!
A l'époque de Goethe, on est européen ou on n'est rien du tout;
c'était précisément l'attitude de Goethe que ses contemporains ont
eu du mal à comprendre. C'était la vieille Europe, mais en tant
qu'elle est continuatrice de Rome et de la Grèce. Ce point est capital
: l'Europe moderne est la descendante, la fille en droite ligne
de l'Antiquité des Grecs, avec le message d'humanisme qu'il véhicule,
de beauté, de tolérance…
Par la suite, l'Allemagne wilhelminienne et a fortiori l'Allemagne
nazie a encore eu de la révérence envers les grands artistes allemands
comme Wagner, qui se considérait aussi comme un grand artiste européen,
une personnalité européenne et mondiale. De nos jours, on donne
au mot cosmopolitisme une signification différente par rapport à
celle que lui conférait Goethe; je crois qu'on en pervertit un peu
le sens parce que l'on faisait uniquement référence, dans le cas
de Goethe, au domaine culturel. Goethe était, je crois, apolitique,
profondément apolitique.
Bibliographie
- "La Guirlande de Chopin" - ouvrage en collaboration franco-polonaise
- à paraître.
- "Vivant Denon" (texte receuillis par B. Bailly et F. Claudon)
- UTB, Chalon - 1998.
- "Paul Casin - 1881-1963" (textes recueillis par A. Nawrocki et
F. Claudon) - 1998.
- "Ils n'ont jamais été représentés à l'Opéra" (textes recueillis
par F. Claudon et J.C. Yon) - Die, Couleurs locales - 1998.
- "Les littératures de langue allemande depuis 1945" - E. Tunner,
F. Claudon - Nathan Université, coll. fac. littératures étrangères
- 1995.
- "Le voyage romantique - Des itinéraires pour aujourd'hui" - Editions
Philippe Lebaud - 1986.
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